Archée

Interactif, implicite, performatif, éprouvé, le corps exploré
Louise Boisclair (read the whole article, or read the google English translation)

Dans Always More Than One, Erin Manning croise philosophie ou mouvement de pensée, chorégraphie ou mouvement du corps, art et autisme. De son côté, avec Interactive Art and Embodiment : The Implicit Body as Performance, Nathaniel Stern propose de considérer le corps implicite dans sa triple relation de mouvement, sensation et pensée lors de l’appropriation interactive. Quant au collectif, Personnage virtuel et corps performatif. Effets de présence, dirigé par Renée Bourassa et Louise Poissant, quinze artistes et théoriciens explorent, chacun, chacune, sous un angle singulier, diverses facettes du corps performatif et du personnage virtuel. Pour sa part, dans L’instance du regard sur le corps éprouvé. Pathos et contre-pathos, Élène Tremblay examine les notions de pathos et contre-pathos à travers l’insistance du regard sur le corps éprouvé. Chaque auteur-e arrime son analyse à la théorie philosophique, médiatique ou phénoménologique selon l’approche singulière ou multiple qu’ils ou elles adoptent pour cheminer avec le corpus sélectionné.


Interactive Art and Embodiment:  The Implicit Body as Performance (Nathaniel Stern)

Pour sa part, l’ouvrage de l’artiste-enseignant-chercheur Nathaniel Stern constitue une refonte de sa thèse de doctorat qu’il a auparavant résumée dans un article intitulé : « The Implicit Body as Performance: Analyzing Interactive Art. », publié dans le Leonardo Journal of Art, Science and Technology (MIT Press). Vol 44, No 3 (2011): 233-238. Globalement, la thèse est la suivante : au lieu de s’en tenir à la vision, à la structure et à la signification, Stern propose de recentrer l’intérêt sur le « corps en relation ». Il conçoit l’interaction en tant que performance et la manière d’être en tant que manière d’« être avec ». Dans un cadre de travail sur le corps implicite au sein de l’installation interactive, il propose une approche qui réunit quatre volets: la recherche et le processus artistique, la description de l’œuvre d’art, l’interactivité et la relationalité. Selon lui, les deux derniers volets propres à l’expérience interactive doivent faire l’objet d’un examen détaillé.

Cette prescription, Stern la met à l’épreuve dans son ouvrage. Composé de huit chapitres dont le huitième introduit un texte à paraître sur le WEB seulement, il met la table dès la première page :

« When we move and think and feel, we are, of course, a body. This body is constantly changing, in and through its ongoing relationships. This body is a dynamic form, full of potential. It is not “a body,” as thing, but embodiment as incipient activity. Embodiment is a continuously emergent and active relation. It is our materialization and articulation, both as they occur, and about to occur. Embodiment is moving-thinking-feeling, it is the body’s potential to vary, it is the body’s relations to the outside. And embodiment, I contend, is what is staged in the best interactive art. » (Stern, 2013, 2)

Lui-même artiste spécialiste de l’art interactif, sa réflexion philosophique, aussi stimulante que novatrice, est ancrée dans le corps implicite, c’est-à-dire ce corps qui vit et déborde le corps vécu, notion renvoyant au corps pensé. Stern invite la recherche à considérer bien davantage les forces et les champs en puissance dans le corps, alors que la corporéité est en « per-formance », ici-maintenant, au sein de l’installation interactive. L’incorporation s’accompagne donc de la métabolisation d’informations sensorielles issues du milieu d’immersion, sorte de sémiose corporelle pré-signifiante. Elle s’apparente au sens dynamique que lui donne Stern:

« The conception of a continuous embodiment, however, allows us to rethink bodies as formed through how we move in, and relate to, our surroundings. Embodiment, I contend, is not a pre-formed thing, but incipient and per-formed. » (Stern, 2013, 12).

Ainsi, la corporéité, dans sa dynamique, n’est pas une chose pré-formée, mais per-formée, insiste Stern; elle n’est pas constituée, elle se constitue. Continuellement en action, la corporéité évolue de façon dynamique au fil de l’incorporation, elle n’est jamais figée.

Tout au long de cet ouvrage, le lecteur, la lectrice rencontrera de nombreux artistes de l’art interactif et immersif, ce qui a le bénéfice non seulement d’illustrer le propos de Stern, mais bien davantage d’incarner sa réflexion philosophique dans une encyclopédie d’art interactif encore en train d’évoluer. Graduellement, au fil des chapitres, Stern joue avec les thèmes performatifs suivants: 1- « Digital is as Digital does »; 2- « The Implicit Body as Performance »; 3- « A Critical Framework for Interactive Art », 4- « Body-Langage » ; 5- « Social Anatomies »; 6- « Flesh-Space »; 7- « Implicating Art Works » et 8- « In production ». Ce livre d’une grande importance rend compte d’une vision actuelle non seulement artistique, mais « spectatorielle » du corps, assisté ou outillé technologiquement, comme on l’est de plus en plus même dans notre vie quotidienne. Bien plus que le corps performant, c’est toujours et encore le « corps implicite » qui sert de fil rouge pour explorer l’art interactif.

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